Les contributions recueillies dans ce volume questionnent les multiples facettes de la notion d’erreur culturelle en traduction selon une approche interdisciplinaire et sont réparties en trois sections.
Dans la première section, « L’erreur culturelle, du mot au signe », sont analysés des cas d’étude dans lesquels l’erreur culturelle est liée à des aspects linguistiques.
B. Meisnitzer et B. Wacker soulignent l’importance, pour un traducteur, de posséder une grande sensibilité aux modèles discursifs dans leur diachronie. En particulier, les AA. se focalisent sur l’emploi du présent narratif dans la fiction, pour lequel ils constatent un changement de perspective à partir de la moitié du XXe siècle et concluent que les erreurs de traduction des temps verbaux doivent être considérées comme des erreurs culturelles.
L. Mora Millán examine l’usage très particulier des adverbes en -ment chez Flaubert et Garcia Marquez et compare leur destin traductologique en espagnol et en français.
É. Arcambal montre comment, dans des situations en langue des signes en milieu pédagogique, l’erreur culturelle – qui se manifeste notamment dans le recours à des techniques comme la dactylologie ou le français signé – peut devenir une stratégie de communication adaptée à la situation de communication.
Les trois dernières contributions de la première section explorent plusieurs cas d’erreurs culturelles dans la dimension de la traduction audiovisuelle.
J. Macarro Fernández analyse les traductions françaises de deux films de Pedro Almodovar, réalisés pendant la période de la Movida madrileña, à l’effervescence culturelle remarquable. L’A. relève que les choix de traduction opérés dans le sous-titrage français en ont édulcoré considérablement la charge transgressive.
C. Noël s’intéresse en revanche aux erreurs culturelles qui affectent l’effet comique et la production de l’humour dans le sous-titrage européen du film canadien et bilingue Bon cop bad cop d’Erik Canuel.
La contribution de N. Wirtz porte sur la confrontation entre le film français Bienvenue chez les Ch’tis et son remake italien Benvenuti al Sud, dont sont analysés aussi bien les sous-titres que les versions synchronisées en français, italien et allemand. La traduction de la dimension régionale – à la fois linguistique et culturelle – mise en scène dans les deux films se heurte plus fréquemment à des erreurs culturelles lorsqu’il s’agit de transposer les effets liés aux traits phonétiques, surtout dans deux langues plus éloignées.
Les contributions de la deuxième section, « L’erreur culturelle en contexte professionnel et politique », passent en revue des situations tirées d’expériences en différents milieux professionnels.
L’interprétation dans les services publics est le contexte analysé par É. Navarro, qui met en lumière comment l’écart culturel, pouvant être qualifié d’erreur, assume en réalité une valeur fonctionnelle.
N. Rentel examine les erreurs culturelles – concernant essentiellement la gastronomie et la viticulture – dans les traductions vers l’allemand de sites touristiques ayant pour objet de promotion l’Alsace.
À partir des publicités de deux entreprises multinationales dans deux pays différents, S. Blin montre que l’erreur culturelle en publicité est de type fonctionnaliste et prône l’implication du traducteur dans la re-création de la publicité à destination d’un public cible.
L. De Faria Pires se penche sur la notion de qualité en post-édition de traduction automatique dans une perspective cibliste et illustre un exemple culturel de post-édition aussi bien au niveau de la post-édition rapide que de la post-édition complète.
N. Riachi Haddad passe en revue les différents types d’erreurs culturelles dans la traduction de textes spécialisés et propose des solutions possibles pour y remédier.
H. Moucannas s’appuie sur deux cas d’erreurs culturelles concernant le Moyen-Orient dans le discours politique pour en montrer les implications quant à l’ethos du traducteur et à l’image discursive que le public cible se construit du public source.
La troisième section, « L’erreur culturelle en philosophie et en musique », abrite sept contributions.
J.-R. Ladmiral identifie deux modalités de l’erreur culturelle : d’un côté, celle qui découle d’une inculture ponctuelle du traducteur, et de l’autre, celle qui relève d’un biais idéologique. La première serait une erreur culturelle par défaut, tandis que la deuxième serait une erreur culturelle par excès.
T. Holden évoque l’idée d’une éthique de la traduction à partir de l’analyse de la traduction anglaise de l’ouvrage Negative Dialektik de T. Adorno.
V. Vivès propose une série de réflexions sur les présupposés à la base de l’idée même d’erreur culturelle à partir de l’expérience rimbaldienne.
S. Öztük Kasar analyse le transfert culturel à l’œuvre dans quatre versions en turc de la chanson Ne me quitte pas de J. Brel sous l’angle de la sémiotique de la traduction.
P. Grundy et J.-Ch. Meunier sont respectivement l’auteur – anglophone – et le traducteur francophone du projet de chansons ludiques Solid Idols, qui se situe dans le courant de l’écriture sous contrainte. Dans leur contribution, ils réfléchissent sur le thème de l’erreur, abordé à travers des questions de style, de culture, de musicalité et de focalisation.
Ph. Desse compare la réception auprès du public français des années 1960 de deux chansons : Non ho l’età de G. Cinquetti et sa version française Je suis à toi de P. Carli. L’ A. attribue le succès de la première et l’échec de la deuxième aux valeurs culturelles qu’elles véhiculent.
P. Degott étudie les premières traductions anglaises du livret de l’opéra Don Giovanni de Mozart, destinées à un public marqué par le puritanisme victorien. L’ A. souligne que les transformations apportées par les traducteurs permettent d’ajuster certaines imperfections du texte original et défend l’idée qu’il ne peut y avoir d’erreur culturelle en traduction.
[Rosa CETRO]