Catherine FUCHS & Sylvie GARNIER, Lexique raisonné du français académique – Tome 1 – Les collocations verbo-nominales, Ed. OPHRYS, 2020, 317pp.

di | 29 Giugno 2021

Le livre dont il est question ici s’inscrit dans le domaine du français langue étrangère sur objectifs universitaires (FOU). Il faut donc le considérer avant tout comme un manuel d’apprentissage à disposition des étudiants étrangers (à partir du niveau B2), spécialistes de français langue étrangère, mais aussi d’étudiants francophones désireux d’enrichir leur bagage lexical ; il peut intéresser également les enseignants de FLE, ou de « communication écrite ou orale », ainsi que les traducteurs ou enseignants de traduction. Il répond à un besoin réel en matière de lexique académique, concernant notamment les collocations composées de verbes et de noms. L’emploi préférentiel d’un nom avec un verbe spécifique, s’il peut être parfois confirmé par les outils électroniques, requiert souvent de savoir distinguer les verbes quasi-synonymes qui acceptent les mêmes noms, mais ne peuvent se substituer les uns aux autres dans tous les contextes. C’est ce à quoi essaie de répondre cet ouvrage, afin d’éviter l’emploi souvent non approprié des collocations verbo-nominales.

L’ouvrage est organisé en trois parties, structurées de la même façon. Ces trois parties correspondent au choix des auteurs de se focaliser autour des notions de Commencement, de Continuation et de Fin, à savoir les principales phases de l’existence de quelque chose, notions qui sont souvent interpelées dans les textes académiques : « un courant prend forme », « les recherches se poursuivent », « une période touche à sa fin ». Les verbes examinés relatifs à ces trois phases sont classés de deux façons : soit avec la structure « Nom (sujet) + Verbe », soit « Verbe + Nom (objet) » ; ainsi parmi les verbes exprimant le Commencement, nous trouvons d’une part des verbes comme émerger, apparaitre, instaurer pour dire que : « quelque chose commence » (Nom + Verbe) :« qqch émerge », « qqch apparait », « qqch s’instaure », d’autre part des verbes comme instituer, générer, amorcer, pour formuler l’idée de « faire commencer quelque chose »(Verbe + Nom), à savoir « on institue qqch », « on génère qqch », « on amorce qqch ». Dans chaque partie, on trouve donc systématiquement deux sections qui reprennent ces deux classements, regroupant à chaque fois les fiches individuelles des verbes traités, des fiches comparatives par couples de verbes (ex. demeurer vs subsister) ; à ces fiches s’ajoutent deux types de tableaux fondamentaux : un tableau introductif, où les verbes sont présentés avec « l’idée principale » et « l’idée secondaire » qui les caractérisent. Ainsi, concernant la notion de Fin, pour exprimer l’idée de « finir d’être en cours », à savoir « se terminer », les lexèmes verbaux toucher à sa fin et prendre fin se différencient par deux idées secondaires différentes : « en arrivant quasiment à son terme » pour le premier et « en s’arrêtant définitivement à un moment donné » pour le second (cf. p. 203). Le second tableau est un tableau récapitulatif, intitulé « du nom au verbe », où pour les noms, regroupés par catégorie, il est indiqué quels types de noms sont prototypiques (à savoir les meilleurs représentants d’une classe) pour un verbe donné, mais aussi la raison d’une affinité plus forte d’un nom plutôt qu’un autre avec un verbe spécifique. Ainsi un nom, appartenant au type sémantique « situation d’incompréhension », comme mystère, apparait comme prototypique pour les verbes demeurer ou subsister (p. 132), mais selon le contexte ce sera un des deux verbes qui conviendra le mieux : si le contexte évoque l’idée de « solidement ancré quelque part » alors c’est le verbe demeurer qui s’imposera :« un mystère demeure » , si en revanche c’est plutôt l’idée de « vu comme entier ou diminué », c’est subsister qui est le plus approprié : « un certain mystère subsiste » (cf. exemple p. 192). En réalité, c’est le choix du verbe qui sera associé au nom qui va conférer un point de vue particulier à la prédication. Par ailleurs, il est important de préciser que les noms pris en considération sont regroupés en quatre grandes catégories : les objets (divisés à leur tour en objets intellectuels et en objets sociaux ou institutionnels), les états, les processus et les périodes de temps. La compatibilité ou l’incompatibilité entre verbes et noms est donc déterminée en fonction aussi bien de ces catégories que des types sémantiques, qui correspondent à une ultérieure subdivision, se prêtant plus naturellement à un « usage prototypique » avec certains verbes. 

Ainsi que l’allèguent les auteures dans l’introduction, d’autres aspects sont à préciser :

– Étant donné que les noms retenus, qui sont un peu plus de 400, appartiennent au registre académique, certaines catégories de noms assez usuelles, comme les entités humaines, les objets matériels et les lieux, ne sont pas présentes.

– Un même type de nom peut correspondre à plusieurs points de vue et par conséquent être en emploi prototypique avec différents verbes : ainsi le nom recherche est considéré en emploi prototypique avec les verbes suivants : démarrer, se poursuivre, poursuivre, prendre fin, mettre fin/un terme à.

– Un même nom peut parfois correspondre à plusieurs types sémantiques, à savoir « représentatif d’un usage prototypique ». On peut le constater avec le nom ville, qui appartient au type « institution » s’il est employé avec fonder ou au type « lieu de regroupement d’animés », lorsqu’il s’emploie avec les verbes survivre, dépérir ou anéantir.

À travers cet ouvrage, les auteures ont voulu créer un outil complet et exploitable de différentes façons. Pour ce faire, elles ont établi la prototypie entre les noms et les verbes sur la base des co-occurrences relevées dans des articles scientifiques présents sur le site Cairn.info des revues scientifiques en ligne, ainsi que les co-occurrents déjà disponibles sur le site Les voisins de Le Monde, mais également à partir d’exemples tirés de l’Encyclopædia Universalis. Pour des questions de place, elles ont choisi de limiter leur étude à certaines constructions verbales : par exemple, en ce qui concerne le verbe « fonder », c’est la construction « qqn fonde qqch » qui a été prise en considération, laissant ainsi de côté des constructions comme « qqch fonde qqn » ou « qqn fonde qqch sur qqch (ex.  « Les médecins fondent de grands espoirs sur cette thérapie ») ; pour cette raison la polysémie des verbes n’a pas du tout été prise en compte.

52 verbes ont ainsi été répertoriés, parmi lesquels on trouve des « locutions verbales » (se faire jour, prendre naissance, tomber dans l’oubli) généralement plus difficiles à repérer dans un dictionnaire et à acquérir pour un étudiant étranger, d’où l’intérêt de leur traitement. Outre les 52 verbes traités, d’autres verbes de sens plus ou moins proche sont proposés au début de chaque section. On peut apprécier par ailleurs le couplage (26 au total) qui a été fait entre des verbes ayant une même « idée principale », dans le but d’aider « l’étudiant à choisir entre des verbes proches » (p. 15), même si d’autres appariements pouvaient être envisageables.

Ce travail, qui repose sur une étude plutôt complexe, visant à répertorier et à expliciter les co-occurrences noms-verbes utilisées dans des textes académiques, a néanmoins le mérite d’être aisément exploitable :

– Chaque section comporte des exercices de différentes typologies (repérages, justifications, production de phrases, rédactions de textes), avec des renvois aux fiches des verbes ou aux exemples, qui sont nombreux, authentiques et contextualisés. Il est d’ailleurs à signaler que la solution des exercices est disponible sur le site de l’Éditeur Ophrys.

– A la fin de l’ouvrage, on trouve l’Index des verbes, et celui des collocations Noms-Verbes (« liste alphabétique de tous les noms traités, avec en regard la liste des verbes qu’ils acceptent en collocation prototypique »), extrêmement utiles pour se repérer dans l’ouvrage. A ces deux index s’ajoute un glossaire des « termes référant au classement des noms », à savoir les catégories, et les types de noms, permettant de mieux comprendre ce à quoi ces termes font référence et d’en avoir la liste complète. Les auteures tiennent à préciser qu’il ne s’agit pas de catégorisations « préétablies » et qu’elles ne servent que de point de repères aux lecteurs.

Pour terminer, il est important de souligner la grande clarté de cet ouvrage, aussi bien dans la façon d’expliciter les différentes notions, au moyen d’une terminologie accessible, de paraphrases et de définitions que dans la présentation des différentes parties et sections (Fiches pédagogiques, tableaux, encadrés, étiquettes aide-mémoires, renvois, symboles clairs). Parfois, quelques informations sur l’usage de certains mots, leur évolution ou leur emploi grammatical particulier agrémentent les explications plus techniques. Enfin des conseils pour une exploitation didactique ou en auto-apprentissage ne sont pas à dédaigner, sans compter qu’une telle étude conduit nécessairement le lecteur à affiner sa sensibilité à l’égard de la langue et à ses nuances.

Sonia Gerolimich

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