Le présent ouvrage se compose de quatre sections qui mettent l’accent sur des thématiques importantes pour ce qui concerne la traduction spécialisée dans le domaine juridique et économique : l’épistémologie, les politiques linguistiques, les méthodologies et la déontologie.
La première section de ce recueil présente deux réflexions complémentaires visées à construire un regard épistémologique sur la juritraductologie. L’article de Sylvie Monjean-Decaudin (« La juritraductologie, où en est-on en 2018 ? », pages 17 à 31) se positionne au croisement du droit de la traduction et de la traduction du droit. Plus précisément, l’auteure souligne comment, sur le plan épistémologique, la juritraductologie pousse ses racines méthodologiques dans les sciences du langage, dans la linguistique juridique et dans la traductologie. Or, cet encadrement doit être associé à ce que le droit comparé demande à la traduction, à savoir comprendre les effets juridiques qu’engendrent le texte source et sa traduction.
Le second article de cette section focalise l’attention du lecteur sur les caractéristiques de la traduction en milieu économique, financier et commercial (« Spécificités de la traduction économique, financière et commerciale, pages 33 à 44). L’auteur, Franck Barbin, brosse un tableau de cette typologie de traduction en mettant en relief trois aspects : l’aspect définitionnel qui place la traduction économique, financière et commerciale au cœur de la chaîne de communication reliant une entreprise à ses partenaires commerciaux, l’aspect renvoyant aux catégories des documents sources (par exemple, les informations stratégiques sur l’entreprise et sur les produits/services) et enfin l’aspect lié au traitement traductif des documents pris en examen (analyse et traduction globales).
La deuxième section est consacrée aux politiques linguistiques au sein de quatre institutions qui opèrent au niveau international : l’ONU, l’Union européenne, la Cour européenne des droits de l’homme et la BCE. La première contribution de cette section, « La traduction à l’ONU », proposée par Marie-Josée de Saint Robert (pages 47 à 60), se place dans le contexte international multilingue de l’ONU. La pratique de la traduction au sein de cette organisation, qui a le but de préserver la paix dans le monde et la sécurité, entraîne des incidences sur le plan des pratiques professionnelles des traducteurs. Autrement dit, les traducteurs travaillant à l’ONU sont tenus de respecter trois pratiques linguistiques : les demandes des Etats membres, la nature de l’Organisation aux dimensions planétaires et les spécificités de la documentation officielle. En passant de l’ONU à l’UE, la deuxième contribution de cette section, « Le droit en partage dans l’Union européenne. Définitions et traductions » d’Isabelle Pingel (pages 61 à 71) porte sur le vocabulaire juridique et sur ses fonctions pragmatiques. L’auteure souligne comment l’interprétation de la langue du droit oriente les comportements collectifs au sein de la UE : 28 juridictions nationales qui doivent s’articuler autour de l’opacité du droit et de sa valeur normative. L’article se concentre sur, d’un côté, les faiseurs de définitions juridiques, à savoir le législateur (les Etats membres et les institutions européennes) et le juge (la Cour de Luxembourg) et, de l’autre côté, la production normative de l’Union européenne. Tout en restant dans l’UE, le troisième article de cette section, « La traduction en turc des concepts autonomes de la Convention européenne des droits de l’homme » de Deniz Kurmel (pages 73 à 83), analyse un corpus tiré de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. En particulier, Deniz Kurmel observe la centralité du concept de « détention » contenu dans l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que l’implantation et la traduction du terme en turc. La dernière contribution de cette section s’intitule «Aspects perlocutoires, discursifs et traductionnels dans la terminologie de la BCE. Un regard croisé franco-italien » (pages 85 à 97). Son auteur, Danio Maldussi, met d’abord l’accent sur les aspects sémantiques et terminologiques de deux stratégies de communication proposées au sein de la BCE : le Forward Guidance (FG) et le Quantitative Easing (QE). L’auteur insiste ensuite sur la façon dont la presse généraliste et la presse spécialisée présentent ces concepts à un auditoire français et italien. L’auteur attire enfin l’attention sur FG et QE observés en tant que noms relationnels engendrant des degrés d’opacité différents.
La troisième section du recueil est réservée à des contributions consacrées aux choix méthodologiques de la traduction juridique et économique. « La juritraductologie comme outil didactique pour la traduction des concepts en français et en anglais », signé par Joëlle Popineau (pages 101 à 114) est le premier article de cette section. Le cœur de cette analyse réside dans la comparation entre la langue juridique anglaise et française : cette évaluation en parallèle fait ressortir deux représentations différentes du droit, d’un côté le droit civil romano-germanique, de l’autre, le common law. La juritraductologie est ici conçue comme un outil permettant d’intégrer des réalités culturelles différentes par deux systèmes de droit distincts.
La contribution de Radegundis Stolze, « L’approche globale en traduction économique » (pages 115 à 127), rappelle que tout traducteur ayant une formation en sciences humaines aurait besoin d’accéder aux théories sous-jacentes d’un corpus économique. En d’autres termes, afin de construire le sens véhiculé par le texte cible, le traducteur aurait besoin de mobiliser une ample gamme d’exemples. Cet article veut démontrer que l’approche globale à la traduction est pertinente pour construire une compréhension holistique du texte de départ.
Dans l’avant dernier article de cette section, « Les corpus au service de la traduction juridique » (pages 129 à 138), Gabriella Serrone attire l’attention sur l’emploi de corpus établis en partant de données authentiques. Cette pratique est présentée en tant que stratégie qui pourrait fortifier le travail du traducteur : à travers l’analyse de cas concrets issus de deux corpus juridiques comparables français-italien, l’auteure développe le traitement d’unités phraséologiques spécifiques du domaine du droit.
La dernière contribution de cette section, consacrée aux choix méthodologiques de la traduction juridique et économique, porte le titre suivant « Optimisation terminologique dans la traduction de sites web d’entreprises » (pages 139 à 150). Son auteure, Marta Kóbor, présente les résultats d’une recherche menée dans le cadre d’un projet de traduction-localisation de sites web proposé par une société de traduction hongroise. La situation de communication B2C (business-to-costumer) est au centre des réflexions de l’auteure ainsi que ses spécificités terminologiques.
Ce recueil se termine par une section consacrée aux questions déontologiques de la traduction juridique et économique. « La pratique professionnelle du traducteur et de l’interprète assermenté, juridique et judiciaire », présentée par Carmen Expósito Castro (pages 153 à 168), vise à exposer les traits saillants de l’accès à l’exercice de la profession de traducteur et d’interprète assermentés et judiciaires en France et en Espagne. L’article met en lumière l’écart existant entre les conditions à réunir pour l’exercice de la traduction assermentée dans les deux pays.
Le recueil se clôt par la contribution de Dorina Irimia « Le traducteur confronté à la traduction des actes judiciaires » (pages 169 à 195). Les traductions qui sont étudiées dans cette contribution appartiennent à la typologie des actes judiciaires qui sont habituellement demandés par les tribunaux, les avocats, le parquet. L’auteure propose un tour d’horizon des difficultés de la traduction de ces documents ainsi que des techniques traductives à mettre en place pour les surmonter.
Cet ouvrage se présente, en conclusion, comme un réservoir de réponses aux questionnement suivant : la traduction juridique et la traduction économique ont-elles des points en commun ? On entre dans le vif de cette problématique par les quatre angles d’attaques qui constituent autant d’axes de l’analyse (épistémologie, politiques linguistiques, méthodologies et déontologie) et qui s’avèrent fortement complémentaires entre-eux.
[Silvia Modena]