La traduction de Lorella Martinelli participe au projet de traductions, dirigé par Rachele Raus, qui s’insère dans les activités du groupe de recherche Analyse du discours de l’association Do.Ri.F. Università, coordonné par Paola Paissa. Le but de la collection est celui de proposer en italien les grands textes de l’analyse du discours française, encore peu connue en Italie (de Moirand à Maingueneau, à Véniard à Paveau, pour ne citer que quelques noms), favorisant ainsi la diffusion dans la communauté scientifique d’une branche de la linguistique française qui jouit d’un prestige considérable et qui a su synthétiser, au cours des dernières décennies, les apports des sciences humaines et sociales au service d’une lecture de plus en plus fine de l’actualité et des langages médiatiques.
Datant de 2007, le volume de Sophie Moirand est considéré comme un ouvrage fondamental de l’approche de l’analyse du discours française (ADF), dans la mesure où il pose les bases d’une méthodologie d’analyse des discours qui représente un paradigme de référence de l’ADF, ainsi que d’une nouvelle terminologie (il suffit de penser à des concept-clés du texte tels que moment discursif, mot-événement, mémoire discursive…), qui sera abondamment reprise et exploitée dans les travaux des francisants au cours des années suivantes. On remarquera donc que la tâche de la traductrice s’avère dans ce contexte doublement complexe, dans la traduction et aussi dans la création en italien d’une nouvelle terminologie, destinée peut-être à s’imposer dans les recherches italiennes à venir.
Le texte se présente également comme un dialogue ininterrompu avec la tradition de la linguistique, de l’anthropologie, de la sociologie d’empreinte française et francophone, comme dans une mise en abîme qui fait de la polyphonie l’un des traits constitutifs du volume, au niveau des contenus ainsi qu’au niveau de la réalisation même du texte. On retrouvera une filiation culturelle qui n’est pas forcément connue par un public italien, ce qui fait de la traduction également une activité de médiation, tâche dans laquelle Martinelli réussit efficacement grâce à un paratexte très riche, composé d’une préface par Paola Paissa qui introduit exhaustivement le contexte scientifique de l’opération de traduction, d’une introduction de Martinelli, synthétique mais complète et précieuse pour la description du cadre théorique et méthodologique de l’ouvrage, et d’une postface de Sylvie Moirand, qui dresse un bilan théorique et méthodologique de l’ouvrage en 2019, de son actualité et des évolutions qui ont marqué le développement de l’ADF depuis 2006. En particulier, le développement des réseaux sociaux et de l’Internet 2.0, a produit des bouleversements profonds dans les discours de vulgarisation scientifique, touchant les notions mêmes de discours scientifique, d’autorité, de médiation des savoirs.
La pandémie récente représente un excellent catalyseur des évolutions et des nouveaux défis annoncés dans la postface (publiée juste avant l’émergence Covid-19) et qui se présentent aujourd’hui avec le maximum d’intensité aux analystes des discours médiatiques. Le texte de Sophie Moirand est encore, et plus que jamais dans ce contexte, profondément actuel, dans ses notions fondamentales ainsi que dans une approche interdisciplinaire exigeante, qui convoque les acquis de la linguistique, mais aussi l’élément social et anthropologique, au service de l’analyse textuelle comme phénomène de communication de transmission d’un savoir, d’orientation du savoir et de l’opinion.
Ce volume a donc le mérite de proposer pour la première fois en italien à la communauté scientifique un ouvrage capital pour l’analyse du discours au sens large, repositionnant les concepts et les termes au vu des évolutions linguistiques et sociales des dernières années, ce qui le rend une ressource précieuse pour les chercheurs, mais aussi pour les étudiants en linguistique en Italie.
[Micaela ROSSI]