L’ouvrage de Fred HAILON porte sur le phénomène de la réplication en tant que pratique de construction-reproduction du sens dans le discours politique. L’auteur se propose de « desceller le pouvoir sur la représentation, de ce qui fonde les vérités d’évidences sur la foi de discours » (p. 22), en dégageant les façons dont la persistance du dire, résultat de la répétition, fige non seulement les paroles mais aussi les consciences.
Le volume s’ouvre sur la préface d’Éric Puisais (p. 11-17), qui se penche sur la « crise du politique » à partir des traits qui caractérisent le discours politique. Il souligne que les mots et les expressions circulent à travers des discours qui relèvent de contextes idéologiques différents, remarquant un rétrécissement et une évidentialisation de la terminologie politique (p. 12). La préface attire ainsi l’attention sur le caractère répétitif du discours politique qui fait l’objet de l’ouvrage, mettant en avant sa tendance à l’homogénéisation au-delà des divergences idéologiques.
La réflexion de Hailon se développe au long de trois chapitres, suivis par une section conclusive (p. 171-174), une postface (p. 175-176) et les références bibliographiques (p. 177-182). L’ouvrage s’achève sur un riche index, qui facilite l’activité de repérage non seulement des concepts et des références théoriques (p. 183-186), mais aussi des exemples analysés, en les listant en fonction des personnels politiques et des thèmes de discours (p. 187-190), des thèmes des discours des personnels politiques (p. 191-193), ainsi que des thèmes des discours des médias.
Dans la première partie du volume, « La réplication, un modèle de la cognition politique » (pp. 23-62), l’auteur présente le cadre épistémologique et théorique de la notion de réplication, qui est au cœur de sa réflexion. Il en analyse la nature sociopolitique, analytique et interrelationnelle, en se concentrant sur les questions de représentation, d’événementialité, de culturalité et d’idéologie.
La deuxième partie (« La réplication : une exemplification du continu politique (2002-2017) », pp. 63-140) se caractérise par l’illustration du cadre conceptuel à travers de nombreux exemples, sélectionnés d’un corpus de discours de personnels politiques et de discours médiatiques, relatifs aux quatre dernières campagnes présidentielles, de 2002 à 2017. Les analyses du corpus mettent en relief les réplications qui caractérisent les répétitions de ces discours, considérant celles-ci comme « un processus de connaissance, de reconnaissance, et parfois de méconnaissance des formes de répétitions du politique » (p. 63). Les exemples portent sur quatre discours identitaires : le discours des frontières, le discours sécuritaire policier, le discours ethno-spatial, jusqu’à proposer enfin une approche métacritique du populisme en discours, à travers la comparaison entre le discours macronien et le discours lepénien lors de la campagne de 2017.
Dans la dernière partie, intitulée « La réplication dans la construction d’un objet de recherche “le discours meurtrier” » (pp. 141-170), Hailon aborde la question de la permanence de la mise en scène socioculturelle de l’événementialité médiatique sur Youtube. Il s’intéresse en particulier aux processus de catégorisation qui caractérisent les « discours meurtriers » de la plateforme. Après avoir présenté la démarche de construction du corpus de commentaires plurilingues relatifs à quatre vidéos publiés sur Youtube, l’auteur établit la symbolique de ces discours à travers l’analyse des formes d’appel (aux meurtres, aux armes, à la disparition, etc.), des oppositions binaires, du recours à l’ironie, ainsi que des différentes expressions de valeurs suffixatoires.
L’ouvrage de Hailon montre que « la réplication définit et redéfinit le sens commun en réactualisant le sens politique » ; elle « crée de la continuité dans la discontinuité des re-présentations politiques socioculturelles » (p. 171).
[Claudia CAGNINELLI]