Paissa P., Conoscenti M., Druetta R., Solly M. (dir.), Metaphor and conflict/ Métaphore et conflit, Bern, Peter Lang (Collection Linguistic Insights, 272), 2020, 386 p.
L’ouvrage Metaphor and conflict/ Métaphore et conflit, publié sous la direction de Paola Paissa, Michelangelo Conoscenti, Ruggero Druetta et Martin Solly, regroupe des essais qui proposent une approche de la métaphore envisagée sous l’angle du conflit. La notion de conflit est approfondie d’un point de vue épistémologique, puisque la métaphore peut être considérée comme le résultat d’un « conflit conceptuel », selon la perspective qu’a développée Michele Prandi tout au long de ses études, et d’un point de vue fonctionnaliste, puisque la métaphore constitue aussi un puissant outil d’argumentation. Le conflit découle – dans ce cas – de l’utilisation de la figure « dans un effet de persuasion, pour surmonter la résistance de la partie adverse, pour valider (ou, à l’inverse, pour discréditer) un point de vue » (27), en particulier dans le discours politique et médiatique.
Les chapitres qui composent le volume proviennent des communications présentées lors d’un colloque organisé à Turin en 2016 ainsi que des recherches menées dans le cadre du projet national (PRIN 2015) Nuove prospettive nella ricerca sulle metafore (Nouvelles perspectives de recherche sur les métaphores). Dans l’introduction, Metaphor and Conflict : A Challenging Pair/ Métaphore et conflit : un binôme révélateur, les auteurs éclairent les présupposés théoriques qui fondent l’optique choisie pour analyser la métaphore, en s’arrêtant en particulier sur les fonctions argumentatives et sur le statut ontologique et définitionnel de la figure. Au niveau argumentatif, la notion de conflit est centrale surtout dans le contexte du discours politique, un espace privilégié d’affrontement entre des points de vue, des idéologies, des visions de l’homme et de la société différents. En d’autres termes, la métaphore, qui peut être considérée comme un « argument abrégé », participe pleinement au déroulement de certaines situations communicatives intrinsèquement agonales, en devenant un moyen de mitigation ou d’intensification du conflit. Mais le lien entre conflit et métaphore peut concerner la nature même de la figure, cette dernière étant engendrée – dans certains cas – par un conflit entre concepts ou entre sphères conceptuelles (Prandi 1992, 2017). Comme le remarquent les auteurs, les « métaphores conflictuelles » sont des « métaphores vives » (Ricœur 1975) ; elles ne coïncident pas avec les concepts métaphoriques structurant la pensée cohérente qui ont été illustrés principalement dans le cadre des approches cognitives. Grâce à une tension marquant la relation entre les deux pôles impliqués dans le mécanisme figural – « teneur » et « véhicule » (Richards 1936), « thème » et « phore » (Perelman, Olbrechts-Tyteca 1958), « cadre » et « foyer »/ « sujet de discours principal » (ou « primaire ») et « sujet de discours subsidiaire » (ou « secondaire ») (Black 1954, 1979), domaine « cible » et domaine « source » (Lakoff, Johnson 1980) –, elles deviennent les centres d’irradiation de relations inédites, qui ébranlent les catégories sur lesquelles repose une vision du monde et des choses reconnue et partagée.
La première partie du volume, Of Metaphors and Theory/ Métaphore et théorie, s’ouvre sur un essai de Michele Prandi, Syntaxe formelle et cohérence textuelle : deux sources pour le conflit conceptuel, où l’auteur montre que le conflit conceptuel, d’où découlent les « métaphores vives », ne constitue pas un phénomène univoque. Prandi considère le cas du noyau de la phrase, où l’expression linguistique, soumise à un moule grammatical rigide, code un signifié complexe autonome par rapport aux contenus conceptuels organisés, et le cas de la structure nom de nom, où l’expression linguistique, soumise à un moule grammatical large, n’arrive pas à offrir une charpente formelle indépendante des contenus conceptuels. Dans le noyau de la phrase, les syntagmes nominaux qui saturent le verbe reçoivent leur rôle en se fondant sur les relations grammaticales et actualisent ainsi un « codage relationnel » (59). Le syntagme nominal, au contraire, se caractérise par un « codage ponctuel » (59), qui peut être envisagé comme une grandeur graduelle, oscillant entre des formes de « sous-codage » (50), comme dans la structure nom de nom, et des formes de « surcodage » (59). Dans l’occurrence Tu lui verses l’espoir (Baudelaire), « le conflit est une propriété structurale du signifié complexe de l’expression » (55) et il constitue une condition préalable au déclenchement de l’interprétation figurale, métaphorique ou métonymique, au niveau du texte. En présence d’un moule large et donc d’un régime de « codage ponctuel », le conflit est inscrit non pas dans l’expression, mais dans le texte dont elle fait partie. Une occurrence comme the winter of our discontent (« l’hiver de notre mécontentement », Shakespeare) admet hors contexte une interprétation cohérente mais, lorsqu’elle est replacée dans le cadre plus large du texte shakespearien, cette même occurrence dévoile sa portée métaphorique : la tension conceptuelle constitue une option interprétative motivée par la progression textuelle. Comme l’observe l’auteur, « la charpente conceptuelle de la cohérence d’un texte est aussi contraignante que la charpente syntaxique formelle d’une phrase » (69). Dans ce cas de « sous-codage », la métaphore n’est pas en compétition avec la métonymie, mais avec une relation cohérente : « l’activation d’une métonymie », en fait, « présuppose qu’un conflit est donné au préalable comme propriété structurale du signifié d’une expression dans un régime de codage rigide » (71).
L’essai de Christian Plantin, On the Argumentative Vulnerabilities of Metaphors, propose une étude liée à l’autre versant de la recherche qu’expose le volume. En effet, l’auteur examine le processus métaphorique dans un environnement argumentatif-interactionnel, en inscrivant son analyse dans le sillage de la pragmatique des figures du discours qu’a développée Marc Bonhomme. Dans la première partie de l’article, Plantin résume l’approche de la métaphore qu’illustre la Rhétorique d’Aristote, où la figure est considérée comme le principal instrument de persuasion. Selon ce point de vue, elle ne peut être neutralisée que par une autre métaphore. Dans la deuxième partie, l’auteur montre que certaines configurations métaphoriques et les analogies qui les sous-tendent peuvent être l’objet d’une réfutation. En particulier, d’après lui, ce sont les métaphores remplissant une fonction de modèles idéologiques implicites qui risquent d’être remplacées par d’autres métaphores ou d’être rejetées quand elles sont retenues inadéquates – sur le plan descriptif ou sur le plan théorique – à canaliser la recherche scientifique. Autrement dit, la recatégorisation que réalise la métaphore peut entrer en concurrence avec des formes de recatégorisation axées sur des critères scientifiques, selon une optique qui reprend l’opposition entre le métaphorique et le littéral, la figure étant envisagée comme une sorte d’« obstacle épistémologique ».
Dans son essai Les conflits entre séduction et rationalité dans la métaphore argumentative, Marc Bonhomme vise à réévaluer positivement l’argumentation métaphorique et à montrer son fonctionnement par rapport à une double perspective. En adoptant une approche rhétorico-pragmatique et en s’appuyant sur un corpus constitué principalement de textes politiques, publicitaires et didactiques, il relie la métaphore à une dimension argumentative conflictuelle, où s’alternent ou même coexistent une argumentation par séduction et une argumentation par explication. L’auteur s’intéresse d’abord à « la facette séductrice de l’argumentation métaphorique » (101). À partir de l’analyse d’un titre de presse et d’un slogan publicitaire, il observe que la métaphore permet de développer une « argumentation synthétique, court-circuitée, plus phénoménologique que logique, qui opère davantage selon une participation empathique à des valeurs que sur des calculs et des cheminements inférentiels » (103). Bonhomme se tourne ensuite vers « la facette rationnelle de l’argumentation métaphorique » (104), qu’il approfondit en examinant des configurations métaphoriques conventionnelles repérables dans des contextes variés. D’après lui, l’utilisation de métaphores stabilisées dans nos représentations communes, qu’elles soient ponctuelles ou filées, favorise « les enchaînements logico-déductif » (104), en engendrant une argumentation rationnelle, « non plus centrée sur l’axiologie et le pathos, même s’ils peuvent rester à l’arrière-plan, mais sur le logos » (104). L’auteur révèle ainsi que les deux facettes, séductrice et rationnelle, de la métaphore argumentative comportent « une gestion discursive diversifiée » (109), en fonction des genres, des thématiques et des objectifs. L’argumentation métaphorique par séduction, rapide et suggestive, est privilégiée dans les situations qui réclament la sollicitation d’une imagerie à portée symbolique, tandis que l’argumentation métaphorique par explication se plie surtout aux exigences de contextes qui réclament une démarche plus rigoureuse. De toute façon, dans certains types de textes, les deux modalités peuvent coexister, en déployant pleinement le potentiel argumentatif de la métaphore.
La contribution de Martin Solly, « It’s Like Herding Cats » : Metalanguage and Metaphor Use in Disclosure and Nondisclosure Discourse, est centrée sur des aspects spécifiques du langage caractérisant le discours de divulgation et de non-divulgation d’informations et de connaissances. L’analyse, qui considère aussi des questions éthiques et juridiques concernant le rapport complexe entre le droit à la confidentialité et le droit à la transparence, porte en particulier sur les conceptualisations métaphoriques qui traversent ce type de discours, comme celles de transparence ou de fuite d’informations. L’examen de la métaphore du « dog whistle » (138), littéralement « sifflet pour chien », permet à l’auteur de se pencher sur le discours politique et de mettre en évidence les retombées négatives de l’emploi d’un langage codé véhiculant le plus souvent des notions sexistes ou racistes. L’étude aborde des questions qui intéressent de plus en plus l’opinion publique et qui sont au centre de nombreux débats et discussions, en envisageant l’examen de l’évolution de certaines conceptualisations métaphoriques comme instruments essentiels de désambiguïsation.
La deuxième partie de l’ouvrage, Political and Media Discourse : Case Studies/ Discours politique et médiatique : études de cas, est introduite par l’essai de Paola Paissa, Le mot métaphore marqueur métadiscursif (MMM) : formes et fonctions discursives, qui propose une étude innovatrice d’un aspect peu exploré dans le cadre des recherches sur la métaphore. En adoptant une approche pragmatique et fonctionnaliste, l’auteure analyse le potentiel argumentatif et polémique de la métaphore « déclarée », du type « X est une métaphore de Y » et, plus précisément, de l’utilisation du terme « métaphore » comme marqueur métadiscursif (MMM). Après avoir tracé un panorama des études encore fragmentées concernant la présence de la terminologie rhétorique dans le langage ordinaire, elle explore le versant métadiscursif de la métaphore en prenant en considération le discours de la presse. À partir de la taxinomie mise au point par Kleiber (2015, 2016), qui distingue trois emplois du mot « métaphore » – métaphore de mot, métaphore de concept et métaphore d’objet –, Paissa examine un corpus constitué à partir de la consultation de la base de données Europresse dans la période comprise entre janvier 2017 et février 2019. L’auteure centre d’abord son attention sur les configurations morphosyntaxiques qui accueillent le MMM (prédication nominale, apposition et construction endophorique), pour considérer ensuite sa fonction en tant que modalisateur d’énonciation ainsi que son rôle dans l’atténuation du conflit conceptuel inhérent à certaines métaphores. Dans la dernière partie de son étude, l’auteure observe que « les finalités argumentatives du MMM […] sont essentiellement liées à son rôle de balise du travail d’interprétation du destinataire » (166-167) et que ces finalités « se laissent ramener à deux enjeux argumentatifs majeurs » (167) : un enjeu descriptif et un enjeu axiologique. Paissa montre, en outre, que le MMM peut véhiculer une conception ordinaire et spontanée de la métaphore, témoignant de l’appartenance de la figure « à la dimension symbolique, voire mythique de notre imaginaire langagier » (169) et, en conclusion, elle prend également en considération son emploi comme procédé apte à « régler l’écart entre le plan du discours et celui de la réalité factuelle » (171).
L’essai d’Elisabetta Zurru, Multimodal and Visual Metaphors in Social Media : a Case Study in Political Discourse, présente une étude des métaphores visuelles et multimodales utilisées dans les médias sociaux et dans le contexte du discours politique. En reprenant l’approche tridimensionnelle de Steen (2015) et les principes de l’analyse de genre (Swales 1990, Lomborg 2013), l’auteure étudie un corpus comprenant les réactions à un tweet de Donald Trump évoquant la préparation du discours prononcé après l’élection présidentielle de 2016. Zurru considère notamment des tweets qui actualisent des métaphores du type Donald Trump is a child (« Donald Trump est un enfant ») ou Donald Trump is an incompetent writer (« Donald Trump est un écrivain incompétent »), en montrant que les médias sociaux peuvent être considérés comme des genres par rapport auxquels les métaphores de nature visuelle ou multimodale constituent à la fois des traits stylistiques spécifiques et des stratégies communicatives efficaces, contribuant à transmettre le caractère conflictuel du débat politique.
Dans Le conflit argumentatif au prisme de la métaphore : l’interview d’Emmanuel Macron du 15 octobre 2017, Ruggero Druetta examine lui aussi la fonction de la métaphore dans le contexte du discours politique, en prenant en considération en particulier les effets de la figure sur l’ethos du locuteur. Plus précisément, son étude est centrée sur le mécanisme du conflit nominatif, un phénomène qui consiste à rejeter une désignation choisie par l’adversaire pour en proposer une autre capable de favoriser la poursuite d’objectifs argumentatifs spécifiques. Druetta interroge les cas où cette désignation alternative présente une portée métaphorique, en développant une analyse très intéressante de la métaphore des premiers de cordée à laquelle a eu recours Macron pendant une interview télévisée de 2017, lors d’un conflit nominatif dû au rejet de l’une des expressions utilisées par le journaliste. Après avoir examiné le statut rhétorique et argumentatif de la métaphore macronienne, l’auteur se penche sur les composantes co-verbales qui accompagnent son utilisation ainsi que sur les déformations dont elle fait l’objet dans le discours des adversaires ou des humoristes. En plus d’accroître l’efficacité du discours, vu sa capacité de se plier à des exigences argumentatives spécifiques, la métaphore apparaît bien comme un puissant moyen de « sublimation » du conflit.
S’appuyant sur les résultats d’une recherche précédente (Cafferena, Conoscenti 2017), l’essai de Michelangelo Conoscenti, Visual Metaphor vs. Verbal Metaphor. Trump and the International Relations Conceptual Metaphors in the Fincancial Times Editorial Cartoons, porte sur l’analyse des métaphores visuelles dans les dessins de presse. À partir d’un corpus constitué de 42 articles du Financial Times, l’auteur étudie les représentations des figures de Trump et de Xi Jinping et notamment les configurations métaphoriques liées aux relations internationales. Conoscenti observe que les métaphores visuelles, que réalisent les dessins, condensent des narrations cohérentes et qu’elles interagissent avec d’autres sections de l’article, comme le titre ou le texte dans son ensemble. L’analyse révèle que les dessins de presse trahissent souvent une position critique à l’égard de la personne ou de la situation évoquées, en agissant comme des activateurs d’isotopies. Ils finissent par imposer au lecteur un cadre interprétatif spécifique, qui aboutit à la limitation de sa liberté.
L’essai de Jonathan Charteris-Black, Happy Families and Special Relationships, présente une étude des métaphores utilisées par les politiciens, dans le cadre des médias sociaux et de la presse, pour canaliser les enjeux éthiques et politiques découlant du Brexit. La typologie des figures impliquées dans les débats qu’a provoqués le referendum de 2016 est examinée en fonction des points de vue divergents des partisans de la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union Européenne et de ceux qui, au contraire, ont contesté ce processus. L’auteur analyse en particulier les métaphores liées aux analogies nation-famille et nation-personne, en mettant en évidence que les modalités de projection sur le domaine politique des modèles que fournissent les relations sociales véhiculent des manières diverses et souvent opposées d’envisager les rapports avec l’Europe. L’emploi fréquent de la métaphore de « famille européenne » a comporté l’abandon de la métaphore familiale de la part des politiciens en faveur du Brexit, qui ont préféré se servir de termes exprimant un certain degré de détachement affectif : « amitié », « partenariat », « voisinage ». En effet, la tendance de la Commission Européenne à utiliser la métaphore de la famille est l’indice de la tentative de promouvoir un sentiment d’identité commune dépassant les nationalismes et elle exprime, par conséquent, un point de vue différent de celui des partisans du Brexit, qui – dans certains cas – ont présenté le Commonwealth comme la seule famille à laquelle revenir.
La contribution d’Andreas Musolff, How (Not ?) to Use Metaphor in a Conflict ? Brexit as a Test Case for Conflict Escalation via Metaphor and Hyperbole, concerne les enjeux sémantiques et pragmatiques liés à l’utilisation du proverbe You cannot have your cake and eat it (« On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre ») dans le cadre des débats et des discussions sur le Brexit. S’appuyant sur un corpus constitué de textes de presse publiés de février 2016 à février 2019, l’auteur montre que les manipulations auxquelles ce proverbe a été soumis, en particulier l’emploi inversé qu’en a fait le conservateur Boris Johnson, We can have our cake and eat it (« Nous pouvons avoir le beurre et l’argent du beurre »), ont conditionné la perception des rapports entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne. L’analyse révèle que la combinaison de la métaphore et de l’hyperbole – qui caractérise le proverbe concerné – crée un dispositif rhétorique et conceptuel capable d’intensifier les tensions provoquées par le Brexit.
La troisième partie du volume, … and Beyond/ Et au-delà, débute par la contribution de Silvia Modena, « Faciléco – Mieux comprendre l’économie » : la scénographie métaphorique de la série pédagogique « Dr CAC ». En adoptant une double approche, énonciative et argumentative, l’auteure analyse les configurations métaphoriques présentes dans la série pédagogique Dr CAC – C’est Assez Clair ! disponible sur le site Faciléco – Mieux comprendre l’économie. Après avoir défini le cadre théorique sur lequel se fonde son étude – qui, d’un côté, reprend la tripartition de la « scène d’énonciation » proposée par Maingueneau (2004) et, de l’autre, les concepts d’essaim métaphorique (Prandi 2016) et d’analogie proportionnelle (Perelman, Olbrechts-Tyteca 2008, Plantin 2016) – Modena propose l’analyse d’une vaste gamme d’exemples. Ils révèlent que le mécanisme projectif de la métaphore constitue un outil argumentatif efficace pour faciliter la compréhension des processus inhérents au monde économique et financier et que – par le rapprochement de domaines éloignés l’un de l’autre – ce même mécanisme permet également de construire un effet humoristique fonctionnel à la finalité pédagogique de la série.
Le volume se clôt sur l’essai d’Ilaria Rizzato, Shakespeare’s Metaphorical Swarms : Text Functions in The Two Gentlemen of Verona and Implications for its Translation into Italian, qui propose une analyse des métaphores présentes dans la première comédie de Shakespeare ainsi que des modalités de leur restitution dans deux traductions italiennes (Mondadori 1990, Bompiani 2015). En s’appuyant principalement sur les études de Michele Prandi, notamment sur les notions de métaphore conflictuelle et d’essaim métaphorique (Prandi 2012, 2017), l’auteure montre que la figure contribue à la mise en place de fonctions textuelles spécifiques ainsi qu’à la construction de certains effets comiques. L’examen du texte de départ est suivi de l’étude comparée des deux textes d’arrivée choisis. Rizzato, qui est aussi l’auteure de la deuxième traduction (Bompiani 2015), développe une réflexion approfondie sur le degré de ré-énonciation, en italien, des métaphores conflictuelles disséminées dans l’orignal ainsi que des fonctions qu’elles remplissent, en montrant que l’analyse critique des traductions trace une voie privilégiée pour la compréhension de l’original et des traits qui le caractérisent, au niveau formel comme au niveau conceptuel.
En définitive, les contributions qui composent le volume offrent un apport décisif pour les études sur la métaphore, par l’ampleur du cadre théorique sous-tendant les analyses qu’elles proposent, par la variété des contextes qu’elles considèrent et par les conclusions souvent innovatrices auxquelles elles parviennent. Envisagée comme une propriété constitutive des conditions structurales qui permettent l’actualisation de la projection métaphorique, comme un trait définissant le rapport entre les diverses fonctions argumentatives que la métaphore peut remplir ou encore comme une caractéristique de certaines situations communicatives où la figure joue un rôle de premier plan, la notion de conflit permet de conjuguer des approches herméneutiques et méthodologiques différentes. Elle permet aussi d’aborder l’examen de typologies variées, métaphores vives et métaphores conventionnelles, métaphores verbales et métaphores visuelles, et de fournir ainsi une vision exhaustive d’un « dispositif » rhétorique et argumentatif qui aide à penser, à structurer et à exprimer le monde.
[Annafrancesca NACCARATO]