Silvia Domenica ZOLLO, Origine et histoire du vocabulaire des arts de la table. Analyse lexicale et exploitation de corpus textuels, Berne, Peter Lang, « Linguistic Insights », 2020, pp. 219.
En s’inscrivant dans le sillage des études récentes en terminologie diachronique, l’ouvrage de S. D. Zollo se donne pour objectif de retracer la naissance et l’évolution du riche lexique des arts de la table en français. La démarche adoptée se veut interdisciplinaire, mobilisant non seulement les sciences du langage – et plus particulièrement l’histoire de la langue, la lexicologie historique et sociale, la linguistique de corpus – mais aussi l’histoire des connaissances.
Dans le premier chapitre, qui sert d’introduction, l’A. présente le domaine d’investigation de sa recherche et les questionnements qui sous-tendent celle-ci. En particulier, elle décide de se focaliser sur deux sous-domaines de ce vaste champ lexical se situant à la charnière entre langue générale et langue spécialisée, à savoir les noms d’objets qui servent au déroulement du repas et les noms d’objets décoratifs ou ayant une valeur symbolique.
La méthodologie adoptée est illustrée dans le chapitre 2. Celle-ci se base sur un modèle pluriel, combinant une approche sociolexicale et une approche historico-philologique, qui envisage la diachronie à la fois comme une « succession de synchronies isolées » (p. 32) et comme un pontage entre deux états temporels. La période historique prise en considération ici s’étale de la fin du XIVe au XVIIIe siècle. Aux fins de l’étude, elle a été découpée en trois fenêtres temporelles, correspondant à trois différents états de la langue (moyen français, français préclassique et français classique).
Le chapitre 3 présente le vaste corpus sur lequel s’appuie l’étude, incluant des ressources lexicographiques et dictionnairiques, des textes historiques et littéraires et, pour finir, des inventaires et des comptes, ainsi que les méthodes d’interrogation et de dépouillement de celui-ci.
Les chapitres 4 et 5 exposent dans le détail les résultats de l’analyse du corpus.
Dans le chapitre 4 l’évolution du lexique des arts de la table est montrée au prisme du croisement entre facteurs historiques, sociaux et culturels. En particulier, l’apparition de néologismes – aussi bien formels que sémantiques – est mise en relation avec des changements qui découlent, entre autres, de l’évolution des mœurs au sein des classes dominantes et des échanges avec d’autres pays et cultures, notamment au cours du XVIIe siècle. Le point de départ de la démonstration est l’analyse de l’hyperonyme service, considéré comme un terme noyau du domaine. L’A. passe ensuite à retracer le passage de vase à vaisselle, à examiner l’introduction de néologismes allogènes et de noms propres dans le vocabulaire du service à boisson, avant de se focaliser sur l’histoire lexicale des mots pouvant être rattachés aux hyperonymes plat et couvert.
Les dynamiques lexicales au sein du vocabulaire des arts de la table font l’objet du chapitre 5. Tout d’abord, sont passés en revue cinq cas de remplacement d’éléments anciens par des néologismes – les couples de mots buire et pot à eau, coupe et gobelet, vinaigrier et huilier, vaisselet à manger œufs et coquetier, seau à rafraîchir et rafraîchissoir –, puis des cas de migration lexicale de la terminologie maritime à la dénomination des vases, et la variation dénominative autour du mot chandelier, ainsi que la confusion entre celui-ci et sa variante candélabre.
À la lumière des observations recueillies, en clôture du volume (chapitre 6), l’A. défend l’intérêt, pour les sciences du langage, de l’adoption d’une telle approche (sociolexicale et historico-philologique) et du reclassement des phénomènes linguistiques sous le point de vue des matrices lexicogéniques.
[Rosa CETRO]