Fabrice ANTOINE, Dictionnaire des comparaisons du français. « C’est tout comme », Paris, Honoré Champion, 2024, 307 p.
Le présent ouvrage constitue une exploration approfondie des comparaisons en langue française. Il recense environ 3 000 comparaisons, du moyen français à la langue contemporaine, et les analyse sous divers angles linguistiques, lexicologiques et culturels.
L’ouvrage se présente sous la forme d’un dictionnaire structurant les comparaisons autour d’environ 250 articles thématiques. Chaque article explore un mot ou un groupe de mots et examine les comparaisons qui y sont associées, en retraçant leurs origines, leurs évolutions et leurs usages. La structure adoptée permet au lecteur soit de parcourir les entrées de manière aléatoire, soit de suivre un cheminement cohérent retraçant une histoire de la langue française.
L’Avant-propos pose les bases théoriques du livre et explicite le concept de comparaison en linguistique. L’auteur définit la comparaison comme une construction syntaxique mettant en relation deux éléments à travers un trait commun exprimé explicitement. Il distingue différents types de comparaisons selon leur structure grammaticale, qu’il illustre par des exemples variés. L’importance de la conjonction “comme” est particulièrement soulignée, car elle constitue un pivot fondamental dans la formulation de ces expressions.
Un autre élément paratextuel essentiel de l’ouvrage est le Mode d’emploi, qui guide le lecteur dans l’utilisation du dictionnaire. Cette section explique la méthodologie adoptée pour l’organisation des articles et la manière dont les comparaisons sont classées et référencées. Elle précise également le système de renvois internes et l’utilisation des abréviations dans l’ouvrage, permettant ainsi une consultation fluide et efficace. De plus, le paratexte met en avant l’importance de la datation des comparaisons et les critères utilisés pour établir ces chronologies, offrant ainsi un cadre méthodologique rigoureux à l’analyse lexicographique.
Les entrées du dictionnaire, organisées alphabétiquement, sont consacrées à des concepts exprimés principalement par un nom et un adjectif ou un comparant. Ceux-ci varient entre des termes courants et fréquemment utilisés (chat ; loup ; rat) et des mots plus anciens, parfois oubliés (barbet ; porte-faix). Certains comparants sont choisis pour l’originalité de leurs associations (bosse, bossu ; phoque ; sabot). Ils sont souvent classés en groupes thématiques tels que les animaux, insectes, oiseaux, poissons, coquillages ou crustacés. Des articles d’orientation renvoient à d’autres termes liés (métiers, noms propres). D’autres articles servent simplement de liens vers des informations complémentaires (ascension sociale renvoie à champignon ; corpulence à embonpoint ; courbe à droit ; etc.). Le lecteur peut accéder au contenu de l’ouvrage de plusieurs manières, qu’il cherche une notion ou un objet spécifique. De plus, les comparaisons sont mises en gras, ce qui facilite leur repérage rapide.
En outre, au niveau microstructurel, l’auteur procède à une analyse diachronique des comparaisons, en retraçant leur apparition dans les sources écrites (dictionnaires et bases de données en ligne) et leur évolution à travers les siècles (voir, à titre d’exemples, les expressions de comparaison enregistrées sous inconstant ; et inefficace, inefficacité, inutile, inutilité). Les comparaisons sont replacées dans leur contexte historique et sociolinguistique, ce qui permet d’observer comment certaines expressions se sont transformées ou ont disparu avec le temps : par exemple, « étonné comme un coupeur de bourse pris sur le fait » (dans pris) et « dormir comme un tesson » (dans rat, souris et autres petites mammifères et dans dormir).
Une attention particulière est accordée à la valeur expressive des comparaisons. L’auteur met en évidence leur rôle dans l’intensification du discours et leur contribution à la richesse et à la vivacité de la langue française. Certaines comparaisons, figées par l’usage, sont devenues des clichés linguistiques (« fort comme Hercule », « têtu comme un âne »), tandis que d’autres conservent une souplesse qui leur permet d’être réinterprétées dans des contextes variés. Pour ces comparaisons plus dynamiques, les transformations peuvent porter sur différents éléments de l’expression. Comme le souligne l’auteur, « l’essentiel […] est que le fantôme de l’expression canonique, connue de tous, flotte derrière la reformulation originale » (p. 18). Ainsi, l’expression « c’est comme pisser dans un violon », employée pour signifier l’inefficacité ou l’inutilité d’une action, peut donner lieu à des variantes telles que « c’est comme pisser dans une clarinette », « dans un violoncelle » ou « dans une contrebasse ». À notre grande surprise, une recherche sur Internet révèle que Clément Vautel, dans son roman Mon curé chez les pauvres (1925), a employé une variation encore plus audacieuse : « c’est comme pisser dans un bénitier », illustrant ainsi la créativité et l’évolution constante des comparaisons dans la langue française. Nous espérons que l’auteur pourra insérer cette expression dans une prochaine édition mise à jour de son dictionnaire.
Le dictionnaire illustre également la manière dont les comparaisons sont ancrées dans la culture populaire et reflètent les représentations sociales. De nombreuses expressions sont issues d’un univers rural (avec une présence marquée du bestiaire et des références à la nature), tandis que d’autres s’appuient sur des stéréotypes culturels, nationaux ou professionnels (comme les Écossais présentés comme avares ou les concierges comme bavardes).
L’ouvrage intègre une bibliographie exhaustive rassemblant des sources lexicographiques et historiques. Il s’appuie sur une vaste base de données incluant des dictionnaires généraux, d’argot, de locutions, ainsi que des corpus textuels en ligne. Une table des matières suit, représentant la macrostructure du dictionnaire afin d’offrir à l’utilisateur une consultation efficace et rapide.
Le Dictionnaire des comparaisons du français offre une véritable cartographie lexicale et culturelle de la langue française à travers ses comparaisons. Sa structure en dictionnaire permet une consultation intuitive, tandis que l’analyse linguistique et historique apporte une profondeur précieuse à chaque expression présentée. En mettant en lumière l’évolution et la créativité des comparaisons, il illustre la richesse et la dynamique du français, entre tradition et innovation. Cet ouvrage constitue ainsi une référence incontournable non seulement pour les chercheurs en linguistique et les traducteurs, mais aussi pour les écrivains, les enseignants et les passionnés de la langue française soucieux d’en explorer toutes les nuances et les subtilités.
[Cosimo De Giovanni]