Diana DĂNIŞOR, Les métaphores juridiques créatrices de réalités. Depuis l’État et le droit à l’État de droit

di | 23 Febbraio 2025

Diana DĂNIŞOR, Les métaphores juridiques créatrices de réalités. Depuis l’État et le droit à l’État de droit, Paris, L’Harmattan, 2023, pp. 124.

L’ouvrage de Diana DĂNIŞOR se consacre aux métaphores dans le domaine juridique. Dans l’introduction (7-24), l’auteure réfléchit sur la métaphore non seulement comme trope, mais aussi comme direction, transformation, altération, tournure et manière d’être tourné vers. Loin d’être simplement un procédé d’ornementation du discours et une figure de style qui caractérise les œuvres littéraires, depuis l’Antiquité grecque la métaphore est définie dans le cadre des possibilités lexicales propres à l’éloquence, comme chez Isocrate dans Evagoras et chez Aristote dans la Poétique. Selon l’auteure, la métaphore montre sa force structurante de la conceptualité, elle est « un opérateur sémantique » et une matrice cognitive. Dans le langage juridique, la métaphore a une fonction rhétorique, comme un artifice linguistique de manipulation de l’opinion de l’auditoire. En particulier, l’étude proposée par l’auteure s’occupe des métaphores lexicalisées, à savoir des termes complets « qui passent dans le langage commun en acquérant un sens nouveau » (p.23).

Le deuxième chapitre « La métaphore du droit » (pp. 25-52) explore la dimension métaphorique dans le domaine du droit qui doit répondre à des exigences de clarté, de précision, de non-ambiguïté, de concision et d’exactitude sémantique. Dans le droit, la métaphore est structurale et organise les représentations et les expériences grâce à des noms simples ou complexes, lexicalisés et propagés dans le temps et l’espace. Ainsi la métaphore devient transparente et compréhensible sans effort intellectuel. Le droit représente l’ensemble des règles qui régissent les comportements et les rapports entre les hommes dans la société comme dans les cas de droit divin, droit positif, droit naturel, droit objectif, droit subjectif. En particulier, dans le domaine juridique, la métaphore du droit est créatrice de réalités comme dans les exemples : avoir droit à « pouvoir légitimement exiger », donner droit à « légitimer quelque chose », ouvrir droit à « remplir les conditions et les obligations administratives qui permettent au détenteur d’un droit d’en faire bénéficier ses ayants droit », droit de primogéniture, droit de citoyenneté, droit d’auteur, droit de citoyen, droit légal de locataire, droits d’électeur, droit d’asile et droits de l’humanité.

Dans le troisième chapitre « L’État – métaphore et réalité juridique » (pp. 53-70), l’auteure se penche sur le mot état dans un contexte juridique qui désigne la situation d’une personne selon l’ordre social, examinant les métaphores corporelles de l’État. À ce propos, l’auteure cite Hobbes, Locke, Rousseau et Machiavel qui montrent le lien entre le corps et l’État. L’auteure fournit trois définitions juridiques de l’État. La première perspective formulée par Maurice Hauriou concerne la théorie de l’État-autorité défini par la souveraineté. Cette théorie remonte à Machiavel, Hobbes et Bodin, dont l’État est défini comme un pouvoir central souverain qui détermine ses conditions formelles et sa construction. La deuxième théorie définie par Léon Duguit est sur l’État-service, dont l’État est une coquille vide derrière laquelle se cachent les gouvernants. Selon cette théorie, le service public et l’expression de la solidarité sociale justifient l’existence de l’État. La troisième théorie caractérisée par le dualisme entre l’État et le droit est proposée par Hans Kelsen, dont l’ordre juridique produit le droit et l’État est défini comme une organisation politique.

Le quatrième chapitre « Le discours juridique relatif à l’État de droit » (pp. 71-104) se consacre à l’analyse du concept d’« État de droit » selon une perspective interne et externe. L’auteure réfléchit aussi sur la version anglaise de l’État de droit, à savoir Rule of law, expression qui date depuis Henri VI. Dicey donne une définition du concept Rule of law qui signifie suprématie ou prééminence absolue du droit et qui s’oppose à l’influence d’un pouvoir arbitraire. En outre, le modèle formel de la Rule of law est lié à Herbert Hart, Lon Fuller et Joseph Raz. Ce dernier remarque la soumission du pouvoir à la loi qui respecte des critères formels et qui est caractérisée par sa fonction d’organisateur de la vie en société. L’auteure traite aussi le concept d’« État de droit » dans la doctrine allemande, nommé Rechtsstaat. Enfin, l’auteure illustre l’État de droit en France et les théories sous la Ve République qui essayent de réaliser une amélioration de sa structure formelle et un approfondissement de sa signification substantielle.

Dans la conclusion (p. 105), l’auteure considère la métaphore comme un instrument stratégique d’analyse de la culture, élément clé qui est nécessaire à son interprétation. Les métaphores structurent les manières de percevoir et de sentir, permettant de produire une nouvelle compréhension des choses et de transformer la réalité et le monde en tant que lieu d’une métaphoricité originaire.

[Gloria ZANELLA]